Guide de l’alimentation rénale actualisée

Lorsque la fonction des reins est altérée, le fait d’adopter une alimentation rénale permet de minimiser les effets indésirables, de ralentir la progression de la maladie et de diminuer le fardeau de la médication.

Les reins sont des organes vitaux très impliqués dans le maintien de l’homéostasie du corps, par exemple en régulant étroitement  les niveaux de liquides, d’électrolytes, de toxines, de vitamines et de minéraux.

La qualité de l’alimentation et de l’hydratation peut influencer grandement le fonctionnement des reins. Cet article sur va vous permettre de mieux comprendre en quoi consiste une alimentation rénale et les bénéfices associés à ce type d’alimentation.

Les légumes, les fruits, les protéines végétales et les sources de fibres sont importants dans l'alimentation rénale.
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Définition de l’alimentation rénale

On appelle alimentation rénale un modèle d’alimentation associé à des bénéfices sur la santé rénale (p. ex., ralentissement de la progression) ou à une diminution des effets délétères de la maladie (p. ex., accumulation de phosphore).

On peut également parler de diète rénale, bien que le mot diète ici n’ait pas la connotation de “régime” mais plutôt d’une nutrition adaptée à une problématique de santé.

Qui devrait adopter une alimentation rénale?

L’alimentation rénale est en fait un modèle d’alimentation saine, compatible avec les recommandations du Guide alimentaire canadien1, qui s’adresse à tout individu atteint d’une maladie rénale (insuffisance rénale, calculs rénaux, protéinurie, maladie rénale polykystique) ou considéré à risque de développer une maladie rénale.

Par exemple, les personnes atteintes de diabète ou d’hypertension artérielle sont considérées à haut risque de développer une maladie rénale, ces maladies représentant les 2 principales causes d’insuffisance rénale. Dans les faits, 1 personne sur 10 au Canada souffre d’insuffisance rénale et la plupart d’entre elles l’ignorent2

Pourquoi adopter une alimentation rénale?

Le fait d’adopter une alimentation rénale permet donc de réduire le risque de développer une insuffisance rénale lorsqu’on est considéré à risque, mais également de ralentir la progression lorsqu’on en est atteint. Par ailleurs, l’alimentation rénale permet aussi de minimiser les effets secondaires de la maladie et les complications possibles.

Fonctions rénales et impact de l’alimentation

Chaque rein est composé d’environ un million de néphrons microscopiques. Chaque néphron comporte un glomérule et un réseau de tubules. Le rôle principal des glomérules est de filtrer chaque jour près de 180 litres de sang, sans laisser passer des quantités trop importantes d’éléments sanguins (p. ex., protéines).

Cette quantité de sang filtrée équivaut, chez un individu jeune et en santé, à une filtration approximative de 120 ml/min. C’est ce qu’on considère une fonction rénale normale. Malgré cette très grande quantité de sang filtré, les reins produisent en moyenne seulement 1,5 à 2 litres d’urine par jour.

Balance du pH corporel

Les reins contribuent au maintien de l’équilibre acido-basique du sang en éliminant le surplus de déchets acides produits par l’alimentation et en réabsorbant les bicarbonates alcalins. Ceci est essentiel au maintien du pH normal du sang.

Lorsque la fonction rénale diminue, l’acidité s’accumule dans le sang (acidose). L’ajustement de l’alimentation permet donc de réduire la charge acide et les effets secondaires de l’acidose.

Balance de l’eau

Les reins éliminent et réabsorbent l’eau de manière à maintenir une concentration normale de tous les fluides dans le corps, et ce, peu importe les conditions de la vie quotidienne (effort physique, diarrhée, vomissement, transpiration, maladie, etc.).

Toutefois, lorsque la fonction des reins est faible, il se peut que la capacité d’élimination soit réduite, ce qui peut contribuer à une rétention d’eau dans le corps (enflure ou œdème). Des ajustements dans l’hydratation et des ajouts de diurétiques sont parfois nécessaires dans certains cas.

Balance des électrolytes

Les reins contrôlent étroitement les niveaux d’électrolytes dans le corps (sodium, potassium, chlore, bicarbonates, calcium, phosphore et magnésium). Ils filtrent les électrolytes du sang et en contrôlent les niveaux en les éliminant ou en les conservant dans le corps en fonction des besoins. L’alimentation rénale est importante pour aider les reins à maintenir l’équilibre électrolytique.

Sodium

Le sodium est le principal électrolyte du corps. Il est présent dans de nombreux aliments et boissons, de sorte que la consommation de sodium est considérée excessive dans la population générale.

Les aliments transformés et les repas pris à l’extérieur sont les principales sources de sodium dans l’alimentation. L’excès de sodium a des effets très néfastes sur la santé rénale, car il contribue à l’hypertension, la protéinurie, l’œdème et la progression de l’insuffisance rénale.

Pour en apprendre plus sur le sodium, consulter mon article sur l’alimentation faible en sodium.

Potassium

Le potassium est également un électrolyte étroitement régulé par les reins. Le corps a besoin d’environ deux fois plus de potassium alimentaire que de sodium pour bien fonctionner. Le potassium a l’effet inverse du sodium sur la pression artérielle.

Une alimentation riche en végétaux permet de combler les besoins en potassium. Plusieurs aliments transformés contiennent également des additifs de potassium, mais ceux-ci n’ont pas de bénéfices sur la santé contrairement au potassium naturellement présent dans les végétaux. Des taux sanguins trop faibles ou trop élevés en potassium ont tous les deux des effets négatifs sur la santé.

Phosphore

Le phosphore est un minéral principalement présent dans les os, comme le calcium. On le retrouve en grande quantité dans l’alimentation principalement dans les protéines animales, mais aussi dans plusieurs additifs alimentaires utilisés par l’industrie alimentaire.

Les apports en phosphore sont généralement beaucoup trop élevés dans la population générale. Lorsque la fonction des reins diminue, le phosphore peut s’accumuler dans le corps et entraîner des complications, en particulier la calcification des vaisseaux sanguins qui augmente le risque de maladies cardiovasculaires.

Pression artérielle

La pression artérielle est la pression exercée par le sang contre les parois des artères lorsqu’il est pompé par le cœur. Elle est mesurée en millimètres de mercure (mm Hg) et est exprimée sous la forme de deux chiffres, par exemple 120/80 mm Hg. Le premier chiffre, appelé pression systolique, correspond à la pression dans les artères lorsque le cœur se contracte et pompe le sang. Le second chiffre, appelé pression diastolique, correspond à la pression dans les artères lorsque le cœur se détend entre les battements.

Les reins jouent un rôle important dans le maintien de la pression artérielle en régulant le volume de sang dans l’organisme et en produisant des hormones qui agissent sur les vaisseaux sanguins. Par exemple, la rénine, produite par le rein, fait partie du système rénine-angiotensine-aldostérone qui contrôle étroitement la pression artérielle.

L’alimentation joue également un rôle majeur dans le maintien de la pression artérielle. De façon générale, une consommation élevée de sodium augmente la pression artérielle, alors que des apports élevés en potassium et en magnésium ont des effets favorables sur la pression artérielle.

Retirer les déchets

Les reins sont aussi chargés d’éliminer les déchets et les substances inutiles du corps. Parmi ceux-ci, on retrouve l’urée qui est un produit final de la dégradation des protéines. Les reins éliminent également le surplus d’acide urique, les résidus acides, les excédents de vitamines et minéraux, ainsi que plusieurs médicaments et toxines.

Par conséquent, une baisse de fonction rénale est souvent associée à une augmentation de déchets dans le corps. C’est pourquoi l’alimentation doit être ajustée pour tenter de produire moins de déchets.

Production d’érythropoïétine

Les reins sont responsables de la production d’érythropoïétine. Cette hormone dirige la production de globules rouges dans la moelle osseuse. Elle est donc essentielle pour prévenir l’anémie. L’insuffisance rénale est associée à une diminution de l’érythropoïétine, ce qui explique l’anémie souvent présente dans les stades plus avancés.

Sachez que cette anémie ne peut pas être corrigée par des changements dans l’alimentation. De plus, les aliments riches en fer comme la viande rouge et les abats sont également riches en phosphore, en protéines, en acide urique et en gras saturés, tous associés à des effets négatifs sur la santé rénale.

Le traitement de l’anémie en insuffisance rénale repose donc sur la supplémentation en fer (en comprimés ou par intraveineuse) et peut parfois nécessiter la prise d’érythropoïétine sous prescription médicale.

Activer la vitamine D

La vitamine D que l’on consomme dans l’alimentation ou que l’on produit par exposition au soleil doit être activée pour être utilisée par le corps. Les reins sont impliqués dans la conversion de la vitamine D inactive en vitamine D active, appelée calcitriol. Cette vitamine D activée par les reins permet entre autres à l’intestin de réguler l’absorption du calcium et du phosphore pour une bonne santé osseuse.

La déficience en vitamine D est fréquente en Amérique du Nord, et ce, peu importe le niveau de fonction rénale. De plus, les aliments riches en vitamine D, comme le lait et les poissons gras, doivent souvent être limités dans l’alimentation rénale. Des suppléments de vitamine D (forme inactive et/ou active) sont habituellement prescrits par l’équipe traitante et les dosages sont individualisés selon les besoins propres à chacun.

L’alimentation rénale actualisée

La nutrition est une science qui change rapidement grâce aux nombreuses recherches scientifiques et l’alimentation rénale fait partie des domaines en nutrition pour lesquels les connaissances ont le plus évolué dans les dernières années.

De façon générale, les études scientifiques ont démontré que plusieurs restrictions autrefois imposées dans l’alimentation rénale n’étaient pas vraiment utiles ni souhaitables pour la santé globale. Les anciennes lignes directrices en nutrition rénale dataient de l’an 2000 et les études scientifiques étaient moins nombreuses à l’époque.

La recherche dans le domaine de l’alimentation rénale a permis de mieux comprendre l’impact réel des aliments et des nutriments sur la santé rénale. Par exemple, nous savons maintenant qu’il y a plusieurs mécanismes impliqués dans le métabolisme de certains électrolytes et qu’un débalancement n’est pas nécessairement causé par l’alimentation.

Récemment, en 2020, les experts internationaux en néphrologie ont publié les toutes dernières recommandations en nutrition rénale en se basant sur la littérature la plus récente3. Ces nouvelles recommandations représentent un vent de changement très favorable pour les patients atteints d’insuffisance rénale qui pourront améliorer la qualité de leur alimentation.

En effet, les nouvelles recommandations mettent davantage l’accent sur la qualité des aliments choisis plutôt que sur les quantités. Ainsi, on s’éloigne de plus en plus des fameuses listes d’aliments à éviter qui étaient basées seulement sur des quantités de nutriments, sans tenir compte de leurs impacts réels sur la santé.

Phosphore

Auparavant, on recommandait aux patients une limite quotidienne de phosphore à ne pas dépasser. Il était donc courant d’éviter les aliments à plus haute teneur en phosphore, indépendamment de leur provenance. Ainsi, plusieurs patients évitaient les grains entiers, les noix et les légumineuses, en plus de restreindre les produits laitiers.

Toutefois, les études ont prouvé il y a quelques années que le phosphore contenu dans les produits d’origine végétale était sous une forme peu assimilable par le corps et donc qu’il avait peu d’impact sur le taux de phosphore sanguin contrairement au phosphore contenu dans les produits d’origine animale4.

De plus, on a découvert que le phosphore ajouté dans les aliments sous forme d’additifs (p. ex., phosphate de sodium, acide phosphorique) était lui absorbé à 100 % avec un impact majeur sur la phosphatémie.

Ainsi, les nouvelles lignes directrices ne suggèrent plus de quantité maximale de phosphore à consommer, mais plutôt d’ajuster les apports pour maintenir les taux normaux5. Par conséquent, on recommande plutôt de tenir compte de la source de phosphore (végétal, animale, additifs) dans l’adaptation de l’alimentation rénale et de limiter les excès de protéines animales ainsi que d’éviter la consommation d’aliments transformés.

Potassium

Tout comme le phosphore, le potassium a toujours figuré sur la liste des nutriments à éviter en cas d’insuffisance rénale. Certains patients pensent même que le potassium est nuisible pour la santé rénale et restreignent leur apport alors qu’ils n’ont jamais eu d’épisode d’hyperkaliémie (excès de potassium).

Dans les faits, la majorité des gens ne consomment pas suffisamment de potassium dans leur alimentation alors que celui-ci est bénéfique pour la santé, en particulier dans le contrôle de la pression artérielle. Dans les dernières années, beaucoup d’avancées ont été faites dans la compréhension des mécanismes impliqués dans l’homéostasie du potassium.

Ainsi, on sait maintenant que le taux de potassium dans le sang est davantage influencé par des mécanismes internes que par les apports alimentaires. De plus, comme pour le phosphore, le potassium alimentaire est absorbé différemment selon la source d’où il provient.

Par exemple, le potassium dans les protéines végétales ainsi que dans les fruits et légumes non transformés est absorbé seulement à environ 60 % alors que celui présent dans les protéines animales et les végétaux transformés (p. ex., jus, sauces) est davantage absorbé. Quant aux additifs de potassium (p. ex., chlorure de potassium, lactate de potassium), ils sont absorbés rapidement par le corps et peuvent augmenter le risque d’hyperkaliémie.

Ces nouvelles connaissances remettent donc en question les restrictions populaires des végétaux, d’autant plus qu’on sait maintenant qu’une consommation élevée de fruits et légumes et un apport élevé en fibres alimentaires diminuent certains facteurs de risque d’hyperkaliémie comme l’acidose métabolique et la constipation6.

La consommation de végétaux ne devrait donc pas être limitée en insuffisance rénale, bien que cette pratique soit malheureusement encore trop répandue7. Une fois de plus, il s’avère évident que l’accent doit plutôt être mis sur l’évitement des aliments transformés contenant des additifs alimentaires et la modération de la consommation de protéines animales.

Les besoins alimentaires uniques

Peu importe le type de maladie rénale et le niveau de fonction rénale, l’alimentation est toujours au cœur du traitement. Toutefois, les besoins en termes d’alimentation rénale peuvent varier au cours de la maladie, selon l’évolution des résultats sanguins et urinaires, de la médication et des besoins spécifiques à chaque individu.

Ainsi, il n’existe pas une seule « diète rénale » pour les maladies rénales. Par exemple, une personne dialysée n’aura pas les mêmes besoins qu’une personne non dialysée ou greffée. Aussi, certaines personnes doivent augmenter leur consommation de certains nutriments alors que d’autres doivent les réduire (p. ex., protéines, potassium, calcium).

Par conséquent, il est préférable de vous informer auprès de vos professionnels de la santé afin de savoir quels sont vos besoins spécifiques et ainsi éviter des restrictions alimentaires inutiles ou même nuisibles à votre santé.

L’alimentation rénale en bref

L’alimentation rénale peut sembler compliquée pour plusieurs personnes à première vue, mais lorsqu’on y pense bien, elle ressemble en plusieurs points aux modèles alimentaires recommandés pour la prévention de plusieurs maladies.

L’assiette santé rénale est d’ailleurs la même que celle suggérée par le Guide alimentaire canadien : la moitié de l’assiette de légumes accompagnée d’une portion modérée de protéines et de grains entiers8.  La consommation de végétaux (fruits, légumes, protéines végétales et grains entiers) devrait être la base de l’alimentation rénale.

Dans les faits, les deux plus importants aspects à limiter dans l’alimentation rénale sont les aliments transformés et les protéines animales. La réduction des aliments transformés permet de limiter à la fois le sodium ainsi que les additifs de potassium et de phosphore. Quant à elle, la diminution des protéines animales permet de réduire les apports en phosphore en plus de diminuer les déchets produits par le corps (urée, acide urique, résidus acides).

À elles seules, ces deux modifications alimentaires entraînent également une réduction de la pression artérielle et de la protéinurie.  L’alimentation rénale actualisée est donc beaucoup moins restrictive qu’auparavant et surtout, elle est plus variée et colorée que jamais, au plus grand bénéfice des patients!

Références

1. https://guide-alimentaire.canada.ca/fr/

2. https://rein.ca/KFOC/media/images/Face-aux-faits-2020.pdf

3. Ikizler TA, Burrowes JD, Byham-Gray LD, et al; KDOQI Nutrition in CKD Guideline Work Group. KDOQI clinical practice guideline for nutrition in CKD: 2020 update. Am J Kidney Dis. 2020;76(3)(suppl 1):S1-S107.

4. Picard K, Mager DR, Richard C. The Impact of Protein Type on Phosphorus Intake, Serum Phosphate Concentrations, and Nutrition Status in Adults with Chronic Kidney Disease: A Critical Review. Adv Nutr. 2021 Dec 1;12(6):2099-2111.

5. Ikizler TA, Burrowes JD, Byham-Gray LD, et al; KDOQI Nutrition in CKD Guideline Work Group. KDOQI clinical practice guideline for nutrition in CKD: 2020 update. Am J Kidney Dis. 2020;76(3)(suppl 1):S1-S107.

6. Babich JS, Kalantar-Zadeh K, Joshi S. Taking the Kale out of Hyperkalemia: Plant Foods and Serum Potassium in Patients With Kidney Disease. J Ren Nutr. 2022 Nov;32(6):641-649.

7. Picard K, Griffiths M, Mager DR, Richard C. Handouts for Low-Potassium Diets Disproportionately Restrict Fruits and Vegetables. J Ren Nutr. 2021 Mar;31(2):210-214.

8. https://guide-alimentaire.canada.ca/fr/

1 avis sur “Guide de l’alimentation rénale actualisée”

  1. Merci pour tous ces renseignements.
    Je comprends mieux mes problèmes de potassium élevé et doit me rapprocher de mon médecin.

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